Fabrice Bazard est Directeur Numérique et Systèmes d’Informations chez le journal Ouest-France. Dans cette interview, il évoque le besoin du marché du travail en profils transverses formés à la qualité de service.
Quels sont les usages importants dans votre métier révolutionnés ou tout simplement créés par la transformation digitale ?
La presse a évidemment dû énormément s’adapter ces dix dernières années. Ouest France a toujours eu la conviction qu’il fallait accélérer dans le numérique sans opposer pour autant les supports ni sacrifier le print. Les lecteurs sont aujourd’hui fondamentalement multicanaux. De même, nous avons fait le choix de ne jamais opposer l’abonnement et l’audience. Il y a plusieurs étapes à respecter pour faire face à ces nouveaux usages. Tout d’abord être bon sur le contenu gratuit, mais sans pour autant sacrifier la qualité. Ensuite, travailler le multimédia, car tous les médias aujourd’hui se télescopent, radio, TV, presse écrite… Monter en puissance sur la vidéo et l’audio est pour nous clairement devenu une nécessité.
Qui pilote aujourd’hui la transformation digitale dans votre entreprise ?
Ce sont en premier lieu nos dirigeants qui insufflent cet élan et cette dynamique digitale. A un second niveau, notre rédacteur en chef délégué au numérique coordonne tous les projets à la Rédaction. Le marketing est aussi fondamental car ce sont eux qui construisent les offres et analysent les comportements des clients. La direction du numérique s’occupe de son côté des produits et services numériques. Ensuite nous avons évidemment une équipe informatique, mais qui est tout de même très axée métier et qui a une excellente compréhension des business models et des enjeux globaux auxquels nous devons faire face. Ce quatuor porte l’ambition digitale de Ouest France.
Quels projets digitaux avez-vous menés récemment ?
Nous en avons de nombreux ! Nous avons par exemple développé un algorithme qui détermine quels contenus vont être gratuits ou payants. Il fonctionne selon plusieurs critères : la longueur de l’article, le fait que le contenu soit une exclusivité locale ou non, ou même soit tout simplement local ou non, l’enrichissement ou non de l’article par de la data ou de la vidéo… Et on le complète actuellement par de l’IA et notamment du machine learning pour bien comprendre les déclencheurs d’abonnement. De même, en interne, nous avons aussi fait le choix de très fortement rénover nos outils, le plus flagrant étant notre plateforme éditoriale. Un autre exemple de projet digital serait par exemple la rédaction automatique de contenus. Nous avons en effet investi dans une société (Syllabs) qui opère dans ce secteur, et aujourd’hui nous automatisons certains contenus, de manière éthique.
Quels sont les bons profils pour faire de la transformation digitale ?
Aujourd’hui dans nos équipes, nous avons admis qu’un journaliste ne pouvait pas maîtriser toutes les compétences nécessaires. Il doit souvent travailler main dans la main avec un informaticien ou encore avec quelqu’un plus orienté projet et digital. La mise en place de ce fonctionnement a été très vertueuse en termes d’efficacité.
« Concernant les profils, nous recherchons un peu le mouton à cinq pattes, qui soit capable de gérer de la complexité. Celui-ci doit être pointu au niveau technique, mais aussi avoir des compétences marketing, notamment autour de la data. Il doit aussi s’investir dans la partie métier, et avoir une excellente connaissance du secteur dans lequel il travaille. »
Trouvez-vous qu’il est difficile d’identifier de bons profils transverses ?
On peut réussir à trouver ce type de profils, mais la plus grande difficulté réside dans le fait que très peu sont formés à la qualité de service. C’est pourtant primordial, mais ça n’est probablement pas simple à simuler pour les écoles. Il faut perpétuellement délivrer des produits ou des services de très haut niveau et fournir de la qualité pour continuer à croître. La satisfaction du client et une très grande exigence sont les principales qualités que doit afficher chaque membre d’une entreprise. Le numérique est impardonnable là-dessus, aucun droit à l’erreur !